jeudi 27 mars 2008

Vendredi 1er Février

Nous pensions raconter cette journée ainsi: reprendre au lundi 28 janvier et lire en sens inverse.
Nos billets
de retour pour la Thaïlande, nous a-t-on rassurés, ont été pris à la "meilleure agence" de voyage du coin: Angkor Magic Travel. Nous ne nous faisons pas trop d'illusion quant à la climatisation, nous avons survécu à l'aller, nous survivrons au retour.

Départ à huit heures trente, une heure déjà de retard contre une heure et demie à l'aller. Le bus est le sosie de celui de lundi, mais nous savons que, passée la frontière, nous voyagerons dans de bien meilleures conditions. On nous case difficilement sur des sièges car les valises envahissent une partie du couloir. Trois quarts d'heure à rouler, nos mouchoirs sur le nez, prenant notre parti de la poussière et des cahots. Seul le milieu de la route, très fréquentée de jour, peut être qualifié de carrossable. C'est ici la loi du plus fort. Klaxons pour effrayer et écarter les nombreux deux roues. Un véhicule en face. Au dernier moment, l'on se rabat vivement à droite et ça passe. Ouf! C'est folklorique, habitude aidant… Mais soudain un bruit caractéristique, on a crevé. Pis encore, le car s'affaisse du côté gauche tandis qu'une roue nous double. Rires devant cette situation incroyable. Nous descendons tous du bus pour voir l'étendue des dégâts. La jante de la roue indépendante a explosé, et les éclats de métal ont déchiqueté le pneu jumelé. Il ne nous reste plus qu'à patienter, à l'ombre des rares arbres du champ voisin. Lucile s'assoit sur un vieux seau retourné et tient un moment le carnet de route. Le cric est sorti, plus d'huile dedans. Le chauffeur s'empare d'une bouteille en plastique et la remplit on ne sait où. Puis on sort la roue de secours qui travaillera seule à gauche du train arrière. "Pas longtemps" dit Richard. Elle est en effet parfaitement lisse et décorée d'un trou de la taille d'une tasse à café…

Gagné! Un quart d'heure plus tard, le pneu de secours explose, hurlement général. "My god!" s'écrie notre voisine. Enjambant et piétinant les valises qui encombrent le couloir, nous nous ruons à l'extérieur. Fini de rire. Le chauffeur, interrogé, prévoit cinq heures pour obtenir un nouveau bus. Très en colère, nous sortons les bagages et, avec trois Italiens, nous décidons de faire de l'auto-stop. Nous arrêtons un pick up qui peut nous rapprocher de la frontière. Lucile, Pascal et une Italienne montent dans la cabine, tandis que, sur le plateau, le couple et Richard s'entassent avec les valises.

Nous repartons. Cinq minutes plus tard, encore une explosion! Arrêt brutal et tour rapide du véhicule: rien! C'est alors qu'on aperçoit au loin, dans le champ voisin, un nuage noir qui s'élève. Et les buffles de s'éloigner en courant. Une mine, sans doute, vient de sauter.

En voiture! Notre nouveau chauffeur conduit trop rapidement pour le mauvais état de la piste. Il n'y a plus maintenant la moindre languette d'asphalte. Soudain un trou nous fait sauter plus violemment que les autres. Cris et coups à l'arrière. Nous comprenons, aux signes affolés que quelque chose ou quelqu'un a été éjecté. Panique. Stop. C'est notre grande valise toute neuve, achetée à Bangkok. Solide, elle l'est, puisqu'elle n'est pas éventrée après plusieurs tonneaux, mais l'axe des roulettes est cassé, sa peau éraflée. Richard la récupère puis les bagages sont installés plus rationnellement, une poignée de fortune, en ficelle, est installée à l'arrière, et les occupants, maquillés de poussière jaune, peuvent s'y retenir.

Nous arrivons à Sisophon, ville sale et misérable, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, terminus pour notre chauffeur que nous remercions chaleureusement.

Là, deux taxis nous offrent leurs services. Les hommes veulent d'abord, après toutes ces émotions et ces secousses, se rendre aux toilettes. C'est au fond d'une cour, un appentis sommaire pour lequel l'individu qui les y accompagne leur réclame 1 dollar. Richard refuse, rire des Cambodgiens.

Pour cinq dollars chacun nous arrivons enfin à la frontière où deux heures et demie de formalités paperassières nous attendent, sous les toits de tôle brûlante. Arrivant petit à petit, la presque totalité des passagers du bus en panne nous y rejoint. Un autocar superbe, première classe, valide nos billets de Siem Reap et, après un petit encas, nous nous installons voluptueusement sur les sièges moelleux. Ce n'est que vers vingt deux heures que nous arrivons à Bangkok. Ouf, journée "bien"remplie.

Aucun commentaire: