jeudi 27 mars 2008

Samedi 9 Février

Ce matin, c'est le départ pour Paï, départ que nous avons préparé hier. L'endroit doit être bien célèbre car notre hôtesse a eu du mal à nous trouver une chambre dans cette petite ville. Nous avons rangé précieusement le nom et l'adresse, tous deux écrits en anglais et en thaï, selon nos précautions habituelles. Tout est bien organisé, déjeuner, tuk tuk, bus et trois heures plus tard nous débarquons à Chiang Maï où nous faisons étape. Nous sommes heureux de descendre pour nous dégourdir les jambes. Nous étions à l'arrière, sur une banquette à trois places et secoués comme des pruniers. Nous avions partagé, à la pause, quelques fruits, avec notre voisine fataliste, encombrée mais nullement étonnée de l'inconfort.

A la gare routière de Chiang Maï, après un repas sur le pouce, nous prenons un bus, n'ayant pas trop mauvaise allure si ce n'est la vétusté.

Le grand changement, c'est, très vite, la montagne, les lacets aigus et la vitesse réduite à 15 ou 20 kilomètres heure qu'ils nous imposent. Nous roulons dans la jungle épaisse et inextricable. Le long des pentes abruptes, s'accrochent, parmi bananiers, palmiers et bouquets de bambous, de grands arbres au fût dénudé et blanc qui montent, montent, étonnamment rectilignes, droit vers la lumière. Vingt, trente, cinquante mètres, allez savoir! Et puis voici des pins, les premiers que nous voyons en Thaïlande et qui semblent se limiter à une certaine altitude. Quelques percées nous laissent entrevoir des morceaux de la vallée, et, au loin, les cultures étagées que nous attendions tant pour les avoir vues dans des magazines.

Voici Paï. Le bus se fraye un passage difficile au milieu des touristes. C'est une faune hippie et reggae de centaines de jeunes babas qui l'affichent et le clament par leurs tenues, coiffes et tatouages. Nos valises à roulettes nous suivent docilement jusqu'à la pension, la "River Side" où nous aurons le dernier bungalow: une boîte aux fenêtres bloquées dont le lit occupe presque toute la pièce, avec salle de bain sans lavabo, mais eau froide à la douche. Le patron nous apprend qu'a lieu, ce week end, un grand concert qui attire toute cette foule.

Lucile se sent voyante avec ses cheveux blancs et sa tenue sport. Or personne ne voit personne, on est là pour parader. Un Européen, que nous avions repéré à Chiang Maï, promène ses deux conquêtes thaïes, à peine pubères. De très beaux garçons, dont des ladies boys, jeunes travestis. Des motards épais ont garé leur Harley. On les reconnaît à leurs bijoux, leurs chaînes et tatouages jouant sur leurs bras puissants. Nous nous faufilons à travers cette faune qui rit, photographie, pose, téléphone et achète aux marchandes akhas leurs si beaux ouvrages aux couleurs éclatantes.

Nous dînons dans un restaurant à la nourriture bien édulcorée où trois guitaristes branchent leur sono et nous bercent de vieux succès de Dylan. Nous aurons aussi la version de "Nationale sept" de Trenet, tandis que nous sirotons notre bière habituelle. Complètement ivre, déséquilibré sur ses talons aiguilles, un lady boy s'empare du micro et susurre, d'une voix désaccordée, quelques couplets. Le chanteur semble très gêné par les œillades et les frôlements dont il est l'objet.

En rentrant, une musique fiévreuse nous fait presser le pas vers un attroupement. Deux autres musiciens, dans la rue, jouent comme des diables de leurs guitares électriques. C'est époustouflant de rapidité et de précision. L'un, tel un acrobate, glisse son instrument derrière sa tête ou dans son dos. Une pulpeuse et blonde Américaine, un étui à violon sous le bras, leur propose par geste de se joindre à eux. Et c'est très réussi, bien que le son du violon, sans ampli, soit un peu couvert par celui des guitares.

A un carrefour, une estrade a été dressée et de jeunes musiciennes nous charment de leurs instruments et airs traditionnels. Un garçon danse lentement, un sabre dans chaque main, pour la plus grande joie des touristes qui les mitraillent de photos.


Nous avons un peu repris le sourire mais sommes décidés à quitter Paï demain matin.


Aucun commentaire: