Le restaurant d'à côté a changé de propriétaire et a disparu le petit bonhomme, charmant et sympathique, qui nous servait le petit déjeuner chaque matin et nous avait offert bananes et gâteaux. Le nouveau personnel, très jeune et non professionnel, n'est pas à la hauteur. Demain matin, nous changerons de crémerie



Nous traversons une bonne partie de la vieille ville afin de découvrir le Wat Phrat Sing, près de la porte ouest. Nous chercherons en vain le Phrat Sing Bouddha (bouddha lion) malgré l'aide de jeunes étudiantes venus nous interviewer, une fois de plus. Elles n'en savent rien! Une des photos sera sans doute la bonne. Peu importe, le parc est très ombragé et agréable. Nous déjeunons sur le trottoir d'en face, de deux currys, l'un jaune et l'autre vert. Une allemande, qui discute avec la serveuse, affirme, très sérieusement, que la cuisine germanique est bien meilleure! Ca nous laisse sans voix, et nous n'en apprécions que mieux notre repas.
Lucile, fatiguée, s'offre une petite sieste.
Je descends à l'accueil et m'installe dans le courant d'air avec une bière. Déjà trente neuf pages à ce carnet de voyage, sans compter les renvois! Les copains tiendront-ils la route jusqu'au bout? Ils regarderont au moins les photos, c'est sûr.

Je discute tant bien que mal avec nos hôtesses. Ce soir, nous irons ensemble au Saturday Market, qui se tient au sud ouest de la vieille ville. Elles m'offrent un fruit inconnu dont je ne saisis que le nom thaï: sowarot. Délicieux. Il s'agit en fait du fruit de la passion, passion fruit en anglais, mais allez comprendre, avec une prononciation impossible et une oreille trop peu accoutumée…
Cet après midi, Lucile se décide pour un massage à l'huile, au même endroit que l'an passé: belle maison de bois au cœur d'un jardin joliment décoré et calme, où l'on nous offre le thé avant toute autre chose. Elle me raconte, ravie, radieuse:

"Une heure délicieuse, j'ai demandé un massage doux. Je suis à plat ventre, couverte d'un sarong. Les mains professionnelles, trempées régulièrement et généreusement dans une huile parfumée, dénudent une jambe et massent longuement et fermement, commençant par le pied, orteil après orteil, jusqu'à la hanche. J'ignorais avoir autant de muscles! Ils roulent sous les doigts experts. Puis ce sera dos et fesses, et hop, me voici sur le dos. Un bras après l'autre, avec une précise exploration de toutes les articulations et muscles des mains. Puis de larges gestes glissants sur le ventre, les seins. La masseuse passe derrière moi pour s'occuper de mon cou, de ma tête qu'elle incline de droite et de gauche. Voici ses doigts sur ma nuque, sur mon crâne où ils se fraient un chemin entre les racines des cheveux. De temps à autres, de petits coups secs et légers du tranchant de la main. Elle s'intéresse ensuite à mon visage, palpe mon front, mon nez, étire mes joues, explore mes oreilles. Maintenant, je suis assise sur la table des délices et, la tête tombant en avant, le massage du dos et des épaules conclut cette merveilleuse séance que j'ai trouvée bien trop rapide et courte!"
Je lui confirme pourtant avec un sourire: "Tout juste une heure de lecture pour moi, dans ce petit coin tranquille."
A l'hôtel, retrouvant Anong et Hasarmi, nous partons, tous les quatre, bras dessus dessous, par les petites rues qui strient la ville, suivant une diagonale subtile et zigzagante, vers ce marché que nous ne connaissons pas. Nos amies nous offrent un repas chinois à base de spaghettis et de canard. L'endroit où nous mangeons est un terre-plein entre deux avenues à la circulation incessante, planté d'arbres et de quelques parterres de fleurs. Et voici qu'à la fin du repas, nous avons de la visite. Un, puis deux, puis trois sortent d'ici ou là, s'approchent des tables, filent au moindre geste des gens attablés, pour revenir, quelques minutes plus tard, plus intrépides encore. L'un tire une patte arrière droite, cassée peut-être, deux autres se partagent un os de poulet, un quatrième se glisse sous la table voisine. C'est presque un jeu de cache-cache et nous rions de bon cœur. Richard s'accroupît et tente une photo, en vain. Ils sont tout de même un peu méfiants, nos amuseurs de ce soir, les rats.

Nous jouons une fois encore les badauds. Sur ce marché, beaucoup moins d'Européens. Nous passons près de deux heures sans voir la totalité de cette longue rue bordée sur chaque côté de vendeurs, parfois même en son centre. Nous sommes charmés par un groupe de quatre musiciens, tous aveugles qui, assis l'un derrière l'autre, en tailleur, nous offrent une prestation de grande qualité. Guitare rythmique, puis guitare solo et chant, et percussions composées d'un batteur, la caisse claire est un couvercle de boite à gâteaux avec, posée dessus, une poignée de clés en guise de timbre; entre les genoux, une baguette supporte une petite cymbale; à sa gauche, une autre cymbale posée au sol, un gros orteil appuyant, ou non, dessus permet des nuances sonores; et deux bongos; ah, j'oubliais, sur un support autour du cou, un harmonica dont il joue admirablement d'une langue habile. Enfin, le dernier de la file fait la basse, frappant d'un maillet emmailloté un seau de plastique retourné. Très bonne rythmique, et un chanteur avec une très belle voix. Un régal pour les oreilles, malgré une amplification minime et bricolée. Mais quel plaisir de voir ces visages aux yeux clos pour toujours, rayonnants et heureux, comme illuminés par cette musique qui unit leurs solitudes.
Nous cédons à la tentation et achetons quelques cadeaux: une délicate chaîne en argent pour Lucile, un kimono sombre pour Richard, des boucles d'oreilles minuscules pour Anong, un chouchou pour Hasarmi. Retour tardif à l'hôtel.

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