jeudi 27 mars 2008

Lundi 21 Janvier

Ce matin, Lucile prend un cachet pour faire tomber la fièvre. On déjeune à la salle à manger de l'hôtel, le personnel est toujours le même, et pareilles aussi les difficultés pour commander le petit déjeuner. De guerre lasse on coupe en deux: à Richard saucisses et lard frits et à Lucile toasts beurre et confiture.

Nous voilà prêts pour visiter ce que nous n'avions pas vu l'année dernière, à côté de la gare, le Wat Phra Si Ratana Mahathat. Nous sommes seuls, tout est calme. Nous avons enfin l'impression d'être en Thaïlande, devant ces merveilleuses ruines khmères, seulement visitées par les oiseaux.

Richard parcourt tout le lieu, ne voulant rien manquer, tandis que je me repose, m'imprégnant de cette sérénité. Une brise légère me caresse tandis que j'écris à l'ombre d'un magnifique édifice. Bien qu'abîmé, il garde sa structure initiale. Il est rouge, fait d'une pierre alvéolée de trous, la latérite, pierre volcanique et recouverte en partie de stuc qui décore la façade de personnages et de dessins géométriques complexes entre de grandes surfaces nues.

Nous rentrons à l'hôtel pour une douche rapide, la chaleur est déjà forte. Nous retrouvons Suwanna pour déjeuner à la cantine de l'Université: une salle de 60 mètres sur 30 environ, au plafond, 70 ventilateurs (Richard les a comptés!) brassent un air tiède. Combien de centaines d'étudiants? Des moineaux voltigent d'une table à l'autre. Nous sommes à la table des professeurs qui nous saluent d'un "waï", mains jointes devant le visage en s'inclinant légèrement.

On nous présente ensuite la directrice du centre culturel de l'Université, qui, elle aussi, parle français. Puis nous rentrons nous reposer à l'hôtel.

Vers seize heures, nous partons chez Suwanna, dans la voiture d'une collègue, Tukata, c'est-à-dire "Poupée". Les Thaïlandais ont l'habitude de porter un surnom en plus de leur prénom. Ainsi Suwanna est appelée Nana par ses amis et nous la nommerons ainsi. Il y a aussi des appellations différentes selon l'âge des interlocuteurs. Nana est appelée soit "grande sœur" (pi naa), soit "petite sœur" (non naa) par ses cousins, neveux, nièces et autres parents.

Tukata et Nana habitent toutes deux des logements de fonction, un peu à l'extérieur de la ville. Ce sont de petites maisons traditionnelles en bois, sur pilotis. Les ouvertures, des moustiquaires, des grilles et des volets de bois, pas de vitres. L'intérieur est une fournaise, et pourtant nous sommes en hiver! Nana ouvre tout grand les volets en affirmant que ce soir il fera frais.

Nous visitons la maison. La salle de bain est étonnante: sol carrelé et en pente vers une bonde; un bassin en ciment, alimenté d'eau par le goutte à goutte d'un robinet, où flotte deux cuvettes en plastique. L'une pour s'arroser et se doucher (il est de tradition que les hôtes, ayant laissé leur chaussures à l'entrée de la maison, viennent se rafraîchir et se laver les pieds) l'autre servant de chasse d'eau à un WC de porcelaine blanche à 30 centimètres du sol

La cuisine: sur une simple table de pique nique, un wok électrique, qu'on repose au sol après utilisation; un évier surmonté d'un appareillage de trois bouteilles métalliques chromées qui constituent le filtre à eau.

Dans une pièce attenante, où nous mangerons car nous sommes invités, l'autocuiseur pour le riz est posé par terre, dans un coin C'est là que Chit, le cousin de Nana, pile en farine du riz grillé sans huile pour saupoudrer une salade.

Mais revenons à la maison. Nous apercevons la chambre avec son lit, un simple matelas sur le plancher garni d'une énorme peluche rose, la télé et une armoire en bois. Puis une pièce qui sert de réserve, emplie de cartons, de dossiers, de cahiers sur des étagères, des bouteilles d'eau. Partout sur les murs, des clous servent à accrocher, à suspendre, à ranger. Pas de meubles.

Ici nous sommes frappés par cet aménagement réduit à l'essentiel, et nous pensons à nos maisons occidentales débordantes et surchargées de bibelots, napperons, et autres choses superflues.

Nous descendons au jardin. Bananiers, papayers, et de nombreux pieds d'orchidées en pots et d'autres accrochées de leurs racines aériennes au tronc d'un immense manguier, qu'elles parasitent. Nana adore les plantes odorantes et elle en a mis partout. Nous reconnaissons le jasmin, mais d'autres nous sont inconnues. Sans doute des agrumes au parfum sucré et citronné, comme la bergamote, beaucoup utilisée en cuisine. Chit, qui sait tout faire de ses mains, a construit à sa cousine une petite fontaine où tourne un moulin en bambou. Derrière la maison une balancelle où conduit un chemin sinueux en noix de coco. Il faut se déchausser et marcher dessus pour masser ses pieds. Si on a mal, c'est que le massage était nécessaire, et nous avons eu vraiment mal…

Les pilotis de béton qui soutiennent la maison sont hauts de deux mètres. A la saison des pluies, les inondations sont fréquentes. Avant de rentrer chez soi, il est indispensable de frapper sur le plancher pour faire fuir les serpents qui peuvent se réfugier dans la maison, nous explique Nana.

Chit arrive et nous conduit au marché. Celui-ci est exclusivement réservé à la nourriture, fruits et légumes, viandes diverses, poissons et épices. Notre amie nous précise quel est ce légume, ce fruit, cette préparation dont elle ignore souvent le nom français. Fleurs de bananiers, plantes aquatiques nombreuses, pâtes de piment et de curry, mini aubergines vertes ou violettes. Et puis encore le poulet dont on ne jette rien. Par exemple en tas, des sternums (mais doit on dire sterna?) blancs et bien grattés, morceaux de cartilage en forme de flèche, sont vendus au poids, crus ou en beignets épicés que l'on nous propose avec un sourire amusé. Peu goûteux mais craquant. Nana en prend une bonne poignée qui cuiront doucement dans le Tom Ka Kaï qu'elle prépare dès notre retour. Ce plat, à base de lait de coco, comporte de nombreux ingrédients: citronnelle en branche, rhizome de galanga, pousses sommitales de cocotier, bergamote en feuilles émincées, champignons étranges, pousses de bambou, tomates, petits morceaux de poulet, sans oublier les sternums, carottes en rondelles, épluchées avec un petit outil qui leur donne un air de roues dentées, sel et piment, bien sûr.

Pendant que tout cela mijote en dégageant rapidement une odeur fantastique, nos hôtes nous préparent une "salade". Il s'agit de porc mariné et cuit au barbecue, coupé en fines tranches, saupoudré de piment, de poudre de riz grillé. On y ajoute des feuilles de menthe et du jus de citron vert, c'est le Nam Tok Mu. Et puis encore un troisième plat: ail pilé dans sa gousse et sauté à l'huile de grain de riz avec pousses de cocotier coupées menu, rondelles de carottes, une poignée de coriandre en feuilles et de cébettes hachées. On n'utilise jamais de couteau à table, et tout est servi préalablement découpé.

Nana est réputée comme cuisinière exceptionnelle, elle possède un savoir-faire, dit-elle, qui lui permettrait de se débrouiller même en France avec les ingrédients locaux.

Il faut savoir que le porc, c'est Mu; le poulet, Kaï; les crevettes, Kum; la soupe thaï, Tom; le lait de noix de coco, Ka. Donc, un Tom Yam Kaï est une soupe sans coco. Nous en déduisons que Yam doit désigner une préparation à l'eau.

Et surtout, surtout, à savoir, cette petite chose très importante: Maï Saï Prik, (roulez bien le "r") et qui veut dire: SANS PIMENT.

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