jeudi 27 mars 2008

Lundi 28 Janvier

Encore une mauvaise nuit à Bangkok, tant il fait chaud et lourd. De plus, un oiseau a lancé son cri régulier une bonne partie de la nuit. C'est fatigant d'attendre le suivant et, dans un demi sommeil, d'essayer de déterminer de quel volatile il s'agit.

Munis de nos billets pour le Cambodge, nous sommes à l'agence de voyage dès six heures et demie. Voici le rabatteur qui ramasse ses touristes tous les dix mètres afin de remplir son bus. Nous attendrons le départ pendant deux heures, observant le quartier qui s'éveille d'une nuit de beuverie. Nous sommes dans Kao San Road, et certains jeunes Européens portent encore les stigmates de leurs excès nocturnes. A l'arrière du bus, avec Pascal, nous sommes passablement secoués. Le paysage qui défile est aride. Parfois une cahute couverte de tôle ondulée cernée de maigres cocotiers. Les bords de la route sont calcinés, certains brûlent encore, écobuage sans doute.

Vers treize heures trente, un arrêt repas non loin de la frontière. Pendant le repas, dans une petite paillote, on nous distribue des formulaires pour établir les visas. Nos photos d'identité sont prêtes depuis Toulon. Des bruits courent sur le taux de change, sur la distance d'ici à la frontière: 9 Km. Nous arrivons au Cambodge où pas moins de deux heures seront nécessaires pour les formalités de changement de pays et le nombre généreux de coups de tampons dont on décore nos passeports.

Quelques dizaines de mètres franchies et déjà la différence est frappante. Les Cambodgiens qui tiennent étal ici sont misérablement vêtus. D'autres tirent de préhistoriques carrioles surchargées sur des roues de bois minuscules. Entre les brancards, fermés d'une barre transversale, une femme arc-boutée tire et deux ou trois autres poussent derrière.

Nous changeons de véhicule. Celui-ci, plus petit, ne peut contenir tout le monde. Certains prennent une voiture particulière. Cent cinquante kilomètres de piste à parcourir. Six à dix heures de massage thaï, nous prévient le guide avec un sourire. Il ajoute que, désolé, la climatisation est en panne, mais que nous pouvons ouvrir les fenêtres.

Et l'aventure commence.

La piste qui nous attend, à quelques centaines de mètres de la frontière, n'est qu'un monstrueux nuage de poussière tant la circulation y est intense. Nous devinons à peine le véhicule qui nous précède. Cette poussière de terre brune pénètre partout. Les arbres en sont totalement couverts et rendent le paysage désolé. De misérables masures, à demi effondrées, bordent cette route éternellement en travaux, peut-être à cause de la mousson qui met à mal sa lente progression. On nous confirmera aussi ce que nous a dit Nana, que la compagnie aérienne qui possède le monopole de la ligne Bangkok - Siem Reap arrose copieusement les dirigeants cambodgiens, afin que cette voie ne soit jamais achevée.

La circulation se fait-elle à droite, à gauche? Les véhicules naviguent d'un bord à l'autre entre les nids de poules et se rabattent au dernier moment pour s'éviter. Mais certains tronçons, très endommagés, n'ont plus qu'une voie, l'autre étant condamnée et uniquement signalée par des bambous posés à plat et par des pierres parsemées sur le sol. Comment les chauffeurs peuvent-ils les voir la nuit? Cette énorme piste semble être en chantier vingt quatre heures sur vingt quatre. Nous croisons des camionnettes boueuses avec de pleines remorques d'ouvriers, debout et si couverts, que seuls les yeux sont apparents. Ils nous saluent joyeusement de la main. D'autres ont installé leurs campements dans les champs ou sur les bas côtés.

Il fait beaucoup trop chaud pour fermer les fenêtres et la poussière pénètre partout. Lucile, telle un cow boy, se protège en nouant un mouchoir sur son nez, comme la plupart des voyageurs.

Vers vingt heures, pause repas.

Une heure plus tard, arrêt imprévu au milieu de nulle part: un pneu est crevé sur l'essieu arrière dont les roues sont jumelées. Le chauffeur n'a pas de lampe et Lucile lui prête la sienne. Mais, pour débloquer les écrous, encrassés de boue séchée, il faut les rincer. Notre guide est allé remplir une bouteille d'eau, on ne sait où, dans la nuit. Sur l'énorme clé, une rallonge faite d'un tube d'un mètre cinquante, permet au chauffeur qui s'y suspend de desserrer les écrous. Ça couine, ça grince, mais ça vient.

Nous arrivons enfin à Siem Reap un peu avant minuit. Fatigués, nous acceptons l'hôtel qu'on nous propose. Tout y est propre, avec une vaste salle de bains équipée d'une baignoire. Nous nous y installons et lavons tous nos vêtements, y compris les lunettes et les tongs. Nous nous couchons après une bonne douche et un shampooing, du moins pour Lucile, Richard s'est débarrassé de cette corvée, depuis l'an dernier, en adoptant une tête de bonze.

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